Qu’on nous donne l’ennui Spécial

Écrit par 
  • Publié dans Edito

  • Nos grands-parents n’avaient pas le temps de s’ennuyer. A bien y regarder, nous non plus. Certes, les évolutions sociales, les modifications législatives, la technique et la technologie se sont alliées pour nous octroyer davantage de temps libre. Mais plus de temps libre ne signifie pas plus de temps de liberté. Il n’y a qu’à regarder l’agenda des enfants qui semble toujours plus chargé, les cours, les répétitions et les entraînements succédant à l’école.

    L’évolution de la définition du loisir est d’ailleurs révélatrice. C’est aujourd’hui, dit le Larousse, le «temps dont on dispose en dehors des occupations imposées»; ce dernier adjectif est essentiel, il nous rassure: si nous parlions toujours, comme jadis le Littré, de «temps qui reste disponible après les occupations», nous aurions le sentiment, dans nos semaines menées tambour battant, de ne plus guère avoir de loisirs. Puisque nous gérons notre temps libre pratiquement de la même manière que celui consacré à la vie professionnelle, dont il est supposé se démarquer.

    Plus de temps libre ne signifie pas plus de temps de liberté.

    Même les derniers interstices sont occupés, par des écrans chargés d’une mission précieuse entre toutes: nous préserver de l’ennui. Mieux vaut regarder la télévision ou des vidéos de chatons, et tant pis si on ne le fait que distraitement, sans avoir tout à fait conscience de ce qui défile devant nos yeux. C’est ne pas être occupés qui nous préoccuperait.

    Il est grand temps de réhabiliter l’ennui, frère du silence. S’il convient sans aucun doute, comme l’assure Olivier Babeau (lire en pages 4 à 8), de «prendre au sérieux» la question du temps libre et de «retrouver le goût de la culture», il est tout autant nécessaire de vaincre notre peur d’un repos fécond. D’une liberté totale de l’esprit, affranchi un instant – rien qu’un instant – de l’agenda et des sollicitations multiples qui le rendent captif. S’asseoir dans le noir les yeux fermés, se promener sans s’inquiéter de l’itinéraire ou de l’horaire, regarder les nuages. Et se permettre de ne penser à rien. Car c’est lorsqu’on ne pense à rien que les pensées s’envolent. 

    Articles en relation


    L’invité de l’Echo: Olivier Babeau

    Alors que nous n’avons jamais eu autant de temps libre, le divertissement occupe massivement les heures creuses de l’existence de l’individu contemporain. Jusqu’à l’abrutissement. Il est temps d’inventer une politique des loisirs, invite à penser l’essayiste français Olivier Babeau. Entretien dénué d’oisiveté.


    A la maison On fait quoi?

    Bien sûr qu’on s’ennuie chez soi. C’est normal. Mais même à la maison, il y a mille choses à faire et à découvrir.

    Se connecter

    A lire dans l'Echo de cette semaine

    Le bonheur de Frankenstein

    30-05-2023

    Le bonheur de Frankenstein

    On peut imaginer Frankenstein heureux. Une meilleure fin à l’histoire du monstre fait de bouts d’hommes ne dépendait que du bon vouloir de son créateur, le docteur Frankenstein. Dans le...

    Le permis de séjour, la panacée?

    30-05-2023

    Le permis de séjour, la panacée?

    Cascades de factures pouvant conduire à l’endettement et charge administrative ingérable: obtenir un permis de séjour ne signifie pas la fin des problèmes pour les travailleurs au noir. Quitter le...

    L’emmental n’est pas que suisse

    30-05-2023

    L’emmental n’est pas que suisse

    Le 24 mai, la Cour de justice de l’Union européenne a tranché: le nom «emmental» ne peut pas être protégé en tant que marque. Trois mois après un verdict similaire...

    Pères: le défi du temps partiel

    30-05-2023

    Pères: le défi du temps partiel

    Les papas consacrent toujours plus de temps à leur famille, mais ce sont surtout les femmes qui diminuent leur taux de travail. Les obstacles sont variés pour les hommes qui...

    Loi Covid, le retour

    30-05-2023

    Loi Covid, le retour

    Même si la pandémie de Covid-19 semble loin – l’OMS vient de décréter la fin de la situation d’urgence –, les Suisses voteront le 18 juin pour la troisième fois...

    Le portrait de l’Echo: Fanny Marquet

    31-05-2023

    Le portrait de l’Echo:  Fanny Marquet

    Adolescente, Fanny Marquet est tombée amoureuse d’un art complètement étranger à sa culture d’origine: le kathak. Après vingt-deux ans de pratique de cette danse classique indienne et dix ans au...

    ChatGPT et l’école

    31-05-2023

    ChatGPT et l’école

    Le lancement de ChatGPT, un instrument capable de rédiger des textes en compilant des données, a marqué l’an dernier un tournant dans le développement de l’intelligence artificielle. Son évolution rapide...

    Les mirages de Turner

    31-05-2023

    Les mirages de Turner

    Un quart de siècle après une exposition remarquée sur Turner, la Fondation Gianadda récidive. La Tate de Londres est à nouveau de la partie. Après les Alpes, l’éclairage est dû...

    Les Romands à Lourdes

    31-05-2023

    Les Romands à Lourdes

    Le Pèlerinage de printemps de la Suisse romande à Lourdes a rassemblé, du 22 au 26 mai, des centaines de croyants fervents. L’occasion de se replonger dans le climat de...

    Les mercenaires russes

    31-05-2023

    Les mercenaires russes

    Paramilitaires proches du Kremlin, les mercenaires d’Evgueni Prigojine, ami de Vladmir Poutine, sont très présents en Afrique et en Ukraine. Véritable armée secrète, le groupe Wagner ne cesse de progresser...

     

    Essayez l'Echo sans compromis


    Recevez l'Echo à domicile GRATUITEMENT pendant 1 mois

    En savoir plus

     

    NEWSLETTER

    Inscrivez-vous à notre newsletter et recevez nos contenus et promotions en exclusivité!





    Echo Magazine © Tous droits réservés